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« Pourquoi n’écoute-t-on pas les autres pendant l’atelier ? »



Chaque mercredi j’anime un atelier de philosophie pour un groupe d’enfants âgés de 6 à 8 ans à la Maison de la Philo de Romainville.


Mon objectif premier est d’instaurer une dynamique de dialogue réflexif entre les enfants.


Lorsqu’un enfant a une question il est invité à la poser au groupe, puis à donner lui-même la parole aux camarades qui ont des réponses à lui proposer. Les enfants ont vite intégré ce fonctionnement.


Le problème c’est que, bien souvent, une fois qu’ils ont posé leur question ils n’écoutent pas la réponse proposée par le camarade.


D'ailleurs ils ne le regardent pas, ils contemplent leurs baskets, jouent avec leur manche de pull, ils ne sont pas attentifs.


Or l’écoute est la condition sine qua non du dialogue. Sans elle, il n'y qu’un simulacre de dialogue...


Aujourd’hui, j’ai donc proposé aux enfants de réfléchir à cette étonnante contradiction :


« Pourquoi après avoir posé une question on n’écoute pas les réponses des camarades ? »


(Question qui mériterait tout autant d’être posée dans les ateliers avec les adultes !)


Voici leurs réponses :


« Parce que parfois la réponse de l’autre elle est trop longue et c’est ennuyant ! »


« Parce qu’en fait on est en train de penser à autre chose qu’on voudrait dire.»


« Parce qu’on peut être déconcentré par quelque chose, du bruit, par exemple.»


« Parce qu’on est déconcentré par quelque chose qui nous intéresse, par exemple on se met à regarder les belles affiches sur les murs.»


La prochaine fois qu'un enfant n'écoute pas pendant l'atelier, il peut être intéressant de lui demander :


« As-tu une idée pourquoi tu n'écoutes pas ? »


Il faut parfois lui préciser qu'on n'est pas en train de le gronder, qu'il s'agit d'une vraie question pour comprendre ensemble ce qu'il se passe.


S'il a du mal à identifier la raison, on peut lui rappeler les idées avancées par ses camarades :


« Est-ce parce que la réponse est trop longue, parce que tu penses à ce que tu veux dire, ou parce que quelque chose te déconcentre ? »


Souvent, l'enfant a du mal à écouter un camarade lorsque celui-ci donne une réponse trop longue. C'est l'occasion de faire prendre conscience aux enfants de l'intérêt d'être concis.


Pour clore l’atelier, chacun a répondu à la question suivante :


« A quoi ça sert d’écouter les autres ? »


« Ça sert à savoir ce que les autres disent.» Anatole, 7 ans


« Ça sert à apprendre.» Orphée, 6 ans


« Ça sert à mieux répondre à une question.» Islah, 8 ans


« Ça sert à changer d'idée.» Ka-Yeon, 8 ans


« Ça sert à comprendre pourquoi on n'écoute pas.» Sophia, 6 ans


Ce genre de moment méta, où l’on réfléchit sur ce qu’il se passe au sein de l’atelier, est important pour que les enfants prennent conscience d’une attitude problématique, tentent de la comprendre, et redonnent du sens à l’acte d’écouter.


Pour autant, cela ne saurait remplacer la pratique !


Ce n'est pas en se contentant de réfléchir sur le thème de l'écoute que les enfants deviendront capables de s'écouter. C'est en s'y exerçant, à chaque atelier.


Il est donc inopérant de répéter aux enfants d’écouter.


Non seulement ils intègrent l’idée qu’il faut écouter parce que c’est le désir de l’adulte, mais en plus ils peuvent se contenter de faire bonne figure sans être réellement présents à ce que l’autre dit.


Ils risquent de finir par penser qu'écouter l'autre signifie seulement de ne pas parler en même temps que lui.


Comme le dit Aristote : « Ce que nous devons apprendre à faire, nous apprenons en le faisant.»


Une façon plus efficace de faire pratiquer l’écoute aux enfants est de vérifier systématiquement après la prise de parole d’un camarade, s’ils ont compris ou non ce qui vient d’être dit.


De même s’ils veulent exprimer un désaccord ou faire un commentaire, on leur demandera d’abord de reformuler l’idée avec laquelle ils ne sont pas d’accord, ou qu’ils souhaitent commenter. Et alors ils sauront s'ils ont vraiment écouté ...










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