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Anna Touati

Les questions fermées, ces mal-aimées

C’est drôle comme certains concepts sont persona non grata dans nos discours.


Souvent, on a scellé le sort de ces indésirables sans s’interroger, sans trop savoir pourquoi, mais persuadés qu’il faut à tout prix s’en garder …


Lors d’une récente formation à l’animation d’ateliers de philosophie, une participante évoque la situation où un enfant répond à côté de la question posée. Je lui propose de réfléchir à une question qui aiderait l’enfant à prendre conscience de ce décalage. 💡


Elle propose : “Est-ce que tu penses que ta réponse répond à la question que j’ai posée ?”


Une autre participante réagit immédiatement : le problème de cette question c’est qu’elle est fermée… il faudrait lui poser une question ouverte “Qu’est-ce qui dans ta question te fait penser que tu réponds à la question ?”


La première acquiesce : Oui c’est vrai, c’est une question fermée, du coup ça ne va pas ….⛔


C’est sûr que le concept de fermeture est moins sympathique que l’idée d’ouverture… ouverture d’esprit, ouverture aux autres, ouverture du cœur, voilà des concepts recommandables !


Mais qu'y a-t-il de si problématiques avec les questions fermées ? 🤔


“L’enfant ne peut répondre que par oui ou non.”


Le problème est évident : on contraint l’enfant, on brime sa liberté de répondre comme il le souhaite ! 🤐


Selon René Descartes, la véritable liberté ne consiste pas à choisir ce qu’on veut, mais ce qu’on sait être vrai ou raisonnable.


L’homme est pleinement libre lorsque, éclairé par sa raison, il fait un choix en connaissance de cause, et pas simplement parce que sa volonté lui dicte :


“Cette indifférence que je sens, lorsque je ne suis point emporté vers un côté plutôt que vers un autre par le poids d’aucune raison, est le plus bas degré de la liberté, et fait plutôt apparaître un défaut dans la connaissance, qu’une perfection dans la volonté.”



En atelier de philosophie, si on est uniquement encouragés à dire ce qu’on a envie de dire sans être contraint de l’examiner, on risque d'être cantonné à ce plus bas degré de notre liberté.


Lorsqu’on me demande si oui ou non j’ai répondu à la question posée, on m’aide à prendre conscience de ce que je dis et à exercer mon discernement.


Ma parole s’affranchit du règne aveugle de ma volonté pour rejoindre celui de la raison. 🪽


Alors, peut-on enfin se réconcilier avec les questions fermées ? Et reconnaître en ces mal-aimées des amies qui nous aident à penser ?


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