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Le démon de l'autocritique

Anna Touati

Chacun ses démons. La colère, l’anxiété pour certains, l’envie, la mélancolie pour d’autres. J’ai mis du temps à reconnaître l’un des miens : l’auto dépréciation. Se critiquer soi-même est une capacité saine qui garantit la conscience de soi nécessaire si on veut philosopher. Le problème survient quand on en fait un usage excessif qui engendre la dépréciation de soi.


Ateliers de philosophie
Francis Bacon par Irving Penn, 1962

C’est alors une passion triste, comme dit Spinoza, qui diminue notre “puissance d’être”, notre propension à agir et à penser et par là notre joie d’exister. Alors que j’étais en proie à de bruyantes pensées dépréciatives, une petite voix me murmurait “Tu exagères”. Mais je ne lui prêtais pas d’attention. Pourquoi persiste-t-on dans l’autocritique même quand nous savons qu’elle est déraisonnable ? Comment comprendre l’ardeur de certains à se déprécier ? Pourquoi cette mauvaise foi ? “Le comble de l'orgueil, c’est de se mépriser soi-même.” disait Flaubert. Au fond, celui qui s’autocritique de façon excessive n’est peut être pas tant masochiste que mégalomane. S’il se déçoit et se critique autant, c’est qu’il se prétend digne de perfection. Autrement pourquoi se soucierait-il d’être imparfait ? Sa rumination n’est que l’envers de son fantasme de toute-puissance. Sa finitude lui est intolérable, celle des autres lui importe peu. Il est obsédé par l’image grandiose de lui-même avec laquelle il échoue à coïncider.

Le fait de s’attarder avec complaisance sur ses fautes commises, par goût de l’illicite ou de la dépréciation de soi, était considéré par l’Eglise catholique comme le pêché de “délectation morose”, bien distinct de la vertu d’humilité.

“L’humble n’est pas engoncé par le désir de se conformer à une image forgée par son orgueil, ni pour lui-même ni pour les autres” Jean-Louis Chrétien. Autrement dit, il a accepté de ne pas être de la race des dieux.

 
 
 

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